J’allais bientôt venir au monde, quand un président des états-unis vint planter une graine de liberté au pied d’un certain mur de la honte ; « Ich bin ein Berliner » ; Cette petite phrase allait franchir quelques rues, avant de faire le tour de la terre, traversant murailles, frontières, ondes, années, idées. Ce cri d’indignation et d’espoir pour l’enfant que j’étais déjà a bercé mes premières années et les suivantes.
Me voici à présent, homme d’âge mur, au pied d’autres murs, comme plus de sept milliards d’autres humains, tandis qu’un autre président des états-unis avec la même fermeté mais une toute autre volonté bâtit, lui, son mur de la honte.
John Fitzgerald se retourne-t-il dans sa tombe ? Il ne s’agit pas de béatifier l’un ou de diaboliser l’autre ; Sur un lit d’amnésie, l’humanité s’est-elle « fichue dans de beaux draps », se retourne-t-elle aussi sans cesse, ne trouvant pas la paix, le juste sommeil. Les paupières du monde ne sont pas si lourdes ; On l’entend, il se fait entendre plus que jamais. On l’entend gémir, on l’entend s’indigner, on l’entend s’amuser, on l’entend s’ignorer. Ou est l’erreur sans cesse recommencée ? Chaque époque a ses murs, ses ruines, ses temples, ses idoles. Sur quel coin de table « malfamée » la partie qui se joue semble-t-elle toujours vouée au chaos, au malentendu, à l’inévitable, à la trahison ?
Que devenons-nous ? Que redevenons-nous ? D’autres malgré-nous, d’autres déserteurs ? La toile tendue sur tout le globe est comme un sac et n’a pas plus apaisé le bruit des bottes, les messes basses que la petite lucarne d’antan. Pourtant la craie du destin se casse sur le même noir tableau. L’homme saoulé de désespoir ou d’arrogance titube dans le même caniveau de l’histoire, traînant sa même « gueule de bois », sa même langue de bois, sa même hache de guerre ni froide, ni chaude ; réchauffée, déterrée.